12/05/2020

La Culture territoriale mise en jachère – communiqué de presse du SNSP, 12 mai 2020

Hormis la bonne nouvelle sur la prorogation des droits des intermittents que l’ensemble de notre profession réclamait pour éviter une catastrophe sociale et artistique sans précédent, c’est avec beaucoup d’incompréhension que nous avons comme d’autres organisations professionnelles reçu ou plutôt vu et entendu le Président de la République nous dévoiler, après avoir échangé avec quelques personnalités qui ne sauraient au nom de leur statut d’artiste connaître et porter la parole de tout un secteur, son plan pour les arts et la culture.

En effet qu’elle ne fut pas notre surprise de constater que la connaissance du travail effectué depuis des années par l’ensemble des opérateurs culturels, qu’ils soient labellisés ou non, en espace urbain ou en grande ruralité, semble à ce point méconnue par l’Élysée.

Nous sommes des milliers d’acteurs que ce soit des artistes, des auteurs, des responsables de projets, des techniciens, des personnels administratifs à maintenir en ordre de marche un service public de la culture sur l’ensemble du territoire national.

Il y a déjà fort longtemps que les questions de l’éducation artistique et culturelle sont inscrites au cœur des projets des scènes publiques et des lieux de proximité. Depuis toujours, nous intervenons aussi bien en milieu scolaire que partout où la présence de l’art fait sens et émotion : hôpitaux, maisons de retraite, prisons, universités, entreprises et même colonies de vacances …

Heureusement que nous n’avons pas attendu cette pandémie pour nous réinventer sans cesse, c’est l’essence même de notre travail et de celui des artistes qu’ils soient intermittents ou non !

Les scènes publiques de territoire, scènes publiques, scènes conventionnées, ateliers de fabrique artistique sont le creuset de cette richesse créative dont tous les gouvernements vantent les mérites. Elles jouent, de la plus petite à la plus grande, un rôle fondamental dans la création et la veille artistique. Leur maillage est l’apanage de notre « modèle français ».

Nous le savons tous, ce sont les collectivités territoriales qui portent sur leurs territoires et souvent seules, sans aucune intervention du ministère de la culture, la plus grande partie de la politique culturelle de notre pays. Ce sont elles qui bien souvent en appellent aux valeurs de la république pour accompagner nos missions de service public d’émancipation citoyenne et de lien social qui animent chaque jour nos actions.

Alors comment le Chef de l’Etat, le Président de notre République a-t-il pu les oublier à ce point. C’est comme l’ont affirmé d’autres représentants de notre profession, avec étonnement que celles -ci « seront mises à contribution », plutôt qu’associées avec les corps intermédiaires de notre secteur, à la mise en place d’un véritable plan de relance de notre projet commun de démocratisation culturelle. Sans cette prise en compte essentielle, toute velléité de plan de relance ou de soutien serait vaine.

Nous partageons bien sûr les interrogations de nos partenaires et les questions de la prise en compte des heures de travail d’éducation artistique dans le calcul des droits, de la place et du statut des artistes au cours de cet « été apprenant ». Ces propositions aussi louables qu’elles paraissent, ne sauraient être une réponse à cette crise inédite que nous allons traverser.

Nous attendions peut-être beaucoup trop de cette prise de parole du notre Président, nous attendions :

  • Un fond de soutien exceptionnel en direction des artistes, mais aussi auprès de tous les établissements de productions et de diffusions qu’ils soient ou non déjà accompagnés par les services du ministère de la culture.
  • Une réponse claire et étayée en direction des équipes artistiques en leur proposant un soutien actif de tous les services de l’Etat pour leur assurer la possibilité de poursuivre rapidement leurs activités de créateur.
  • Un appel solennel et puissant à l’ensemble des exécutifs territoriaux de ne pas abandonner leurs services publics des arts et de la culture et que le gouvernement sera à leur coté pour protéger cette exception culturelle à la française.

Rien de tout cela, juste un discours parfois confus et sans aucune annonce de moyens renforcés pour le ministère de la culture, ni de nouvelles marges de manœuvre pour notre ministre et ses services.

Nous sommes déçus par cette déclaration et très inquiets pour l’avenir du spectacle vivant et de notre capacité dans le futur à rendre à la population de notre pays le service que nous lui devons tous.

Paris, le 12 mai 2020